•   LES AMANTS

     

    LES AMANTS

    Une bute herbeuse... dans la lumière douce du matin... la rosée en perle...
    Même sur le pelage de la bête qui marche, paisiblement.
    Les oiseaux crient et chantent le soleil...
    Les feuilles bruissent, la terre est fraîche et souple sous la patte...
    L'haleine fume un peu ce matin...

    Un lièvre se fige sur place... et la bête s'élance...
    Bondit... Et fond sur sa proie...
    Lui broie l'échine... La petite vie palpite...
    Alors que les dents de la bête déchire la peau...
    Aspire le sang... Le lèche... Puis mâche avec avidité...
    C'est chaud, une vie... Comme c'est bon de manger...

    La bête perçoit une odeur de bête qui n'est pas la sienne...
    Lève le nez de son festin...
    Les oiseaux ne pépient plus. Le froissement de feuilles s'intensifie...

    Deux yeux jaunes apparaissent à l'orée de la clairière...
    Les mouches bourdonnent sur la carcasse...
    La bête grogne... retrousse les babines...
    Qui es-tu? Tu es chez moi ici. Tu es sur mes terres...
    La bête grogne... Insiste. Et l'autre ne bouge pas... Ne remue pas...
    Les yeux jaunes fixent... Intensément.
    Le sang frais encore à la bouche, la bête fait un pas vers l'autre;
    et l'autre fait un pas... aussi.
    La bête jappe.
    Et l'autre ne bouge pas....

    Dans la clairière, le soleil monte... Toute vie s'est figée .
    Il n'y a que les insectes et les mouches qui bourdonnent, indifférents à la rencontre.
    Les bêtes se toisent, immobiles dans la lumière du petit matin d'été...
    L'odeur des pelages remplie les museaux...
    La bête à la gueule saignante fait un pas à gauche...
    lentement. Si lentement...
    Et l'autre répond, si lent... fait un pas à droite...
    les prunelles jaunes ne se quittent pas. Ne cillent pas


    Il fait plus chaud maintenant...
    Du lièvre monte une odeur de chair morte, doucement écœurante...
    La bête voudrait manger. Et boire...
    La salive coule sur sa langue... Dégouline sur l'herbe et la terre brune...
    Un vol de corneilles passe en criant... Les bêtes n'ont pas bronché...

    L'intrus piaffe,  danse d'une patte avant sur l'autre...
    Et s'assoie dans l'herbe haute... La tête de côté...
    Il semble poser une question muette...

    Le lièvre... manger en paix le lièvre...
    la bête baisse la tête en fixant toujours l'intrus...
    Et plonge sa truffe et les dents dans la chair encore frémissante...
    Lape le sang...

    L'intrus se couche. Et attend...

    La vie reprend dans la clairière... Bruissement,  des pattes trottent ...
    Un écureuil passe de branche en branche...
    Les arbres se balancent doucement...
    et une brise vient porter l'odeur de l'intrus, plus forte, plus précise.

    Du lièvre, il ne reste bientôt plus rien que quelques reliefs de peau et d'os...
    La louve a fini son repas,  se lèche les babines... S'étire...
    Et fait trois pas vers l'intrus... Qui se lève. Doucement...
    Baisse la tête, lentement. Son poil se hérisse un peu...
    Les épaules sont fortes, musculeuses... C'est un bon chasseur...
    Il fait trois pas vers la louve...

    Ils se regardent... s'évaluent... tournent...
    Comme en une danse lente... Les pattes ne font presque pas de bruit...
    Les bêtes ont chaud sous le soleil; sur les flancs la fourrure colle un peu...
    Halètements rapides... La langue pend... ils ont soif...
    Les loups ont soif.

    La louve approche toujours... rétrécissant la ronde lente...
    L'herbe est dessinée d'un cercle... La louve s'assoie au milieu du cercle...
    Et le loup tourne encore... doucement... d'un pas très léger.
    La louve le suit des yeux... se couche...
    Le loup se couche...
    Il ne reste qu'un pas pour qu'ils se touchent...
    ils se regardent...

    et la louve semble sourire...
    Le loup se tourne sur le flanc... et pose sa tête dans l'herbe...
    puis il se roule... et la regarde a l'envers...
    Il renâcle...
    La poussière dans le museau... dans les yeux... collant a son pelage...
    Il se relève et s'ébroue.
    La louve, aussi, se lève... lentement... s'étire longuement...
    Et vient mettre sa gueule sous celle du loup...

    Il la hume...

    Elle lui mordille la joue...
    Il la pousse du museau... Et glisse le long de son flanc...
    Mutuellement... Ils se sentent...
    Et la louve rit d'un glapissement heureux...
    La louve s'écarte... regarde le loup...
    Fait deux pas vers le bois sombre...
    S'arrête et regarde le loup...
    Deux pas encore...
    Le loup la regarde...
    Deux pas encore vers le bois...
    Et regarde le loup...qui ne bouge pas ...
    Frotte sa tête sous la mâchoire du loup...
    Et se tourne vers la forêt...
    Vient... Vient à l'ombre... Vient avec moi
    Dans la fraîcheur bruissante de la forêt...
    Vient, j'ai soif... Allons boire...

    La louve entraîne le loup sous les feuillages...
    Elle courre... Elle courre et le loup gambade...
    Ils sont beaux. Ils ont si chaud...

    Le ruisseau babille tout prêt.
    Les fougères froissées chantent sur leur passage.
    Ha! boire... L'eau est si fraîche... Si claire.

    La louve , les pattes dans l'eau, lape avidement...
    Le loup, tout contre elle fait de même...
    Ils se regardent, d'un œil... et boivent de la même eau.
    ils se coucheront à l'ombre tantôt... et iront courir encore...
    ils chasseront ensemble... les amants.



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